Intervention de : Norton C. Ridewell
L'humour comporte une infinité de degrés. En la matière, la question n'est pas tant de savoir combien il en comporte que la position relative dans laquelle on se trouve par rapport à la moyenne.
Le premier degré de l'humour est accessible à tous, même aux plus sanguinaires des tyrans : il consiste simplement à prendre les clowns au sérieux. Seuls les jeunes enfants semblent totalement dépourvus du premier degré de l'humour et continuent de croire que les clowns sont drôles "parce qu'ils sont vraiment comme ça".
Les observations statistiques menées conjointement par l'IDOF et le professeur Bazeloberg auprès d'un échantillon de 412387 internautes ont établi que près de 50% des personnes sondées à leur insu possédait le sens de l'humour au second degré, leur permettant de décrypter les traces d'ironie cachée dans les articles et expertises facétieuses de ce site.
A partir du troisième degré, la situation se corse, la distribution de la population sur l'échelle des degrés de l'humour suivant une loi exponentielle négative. C'est en effet à partir du troisième degré que débute le premier seuil de l'incompréhension entre l'artiste et son public, puisqu'aucun écart n'est permis entre les degrés de l'humour, faute d'être pris au sérieux par ceux des degrés inférieurs. Ainsi, même si 50% des internautes possèdent le sens de l'humour au second degré, ils n'ont pas été plus de 8% à ne pas prendre pour argent comptant les blagues de mon regretté et disparu confrère Paris XIII, vrai journaliste qui pratiquait activement l'arrachage de sourire et contribuait à une large diffusion de l'humour francophone de bon goût depuis ce site. L'écart fut fatal à ce type exceptionnel.
Au quatrième degré, on touche à l'élitisme pur et simple, et on trouve du même coup l'explication pour laquelle même les contributeurs les plus actifs de ce site peuvent parfois peiner à déceler les traces de gaieté dans l'humour très particulier du rédacteur Suprême.
A partir du cinquième degré, on touche au génie, aussi bien qu'au bridge, rares sont les grands maîtres de la cinquième majeure.
Les plus grands esprits de ce siècle possédait un humour qui nous échappe totalement, nous humbles esprits. Ainsi, Einstein pratiquait-il un humour au 7ème degré qui a rendu le caractère drolatique de la Relativité Générale totalement imperceptible aux profanes et même aux agrégés de physique. Il eut beau essayer d'expliquer aux scientifiques américains de la défense que "tout ça c'était pour rire", rien n'y fit, et de nombreuses personnes payèrent de leur vie son humour si caustique.
Le maximum connu dans les degrés de l'humour a été atteint par John F. Nash [NDLR : voir "un homme d'exception" pour une biographie cinématographique] qui, à force de raisonner au 27ème degré, finit par pratiquer un humour de même et creusa un tel fossé d'incompréhension entre lui-même et ses contemporains qu'il ne causa de tort à personne mais s'enferma à l'asile lorsqu'il comprit que l'hypothèse de l'existence d'un vingt-huitième degré de l'humour rendait crédible la possibilité qu'il pût être pris pour un con par Kasparov.
Comme le disait Sacha Guitry : "passer pour un con au yeux d'un imbécile est une volupté de fin gourmet".
Quant à moi, j'évolue évidemment dans une sphère qui tend vers l'infini et me pousse à prendre la tangente...
